jeudi 16 juin 2011

Idéalisme et rêverie : les réelles aspirations québécoises de changement

Depuis quelques jours, j’ai la chanson « Imagine » de John Lennon dans la tête. Même que j’en ai fait une version spéciale au Ukelele! Et puis je me suis dit que je pourrais même l’enregistrer et la publier sur mon blogue. Mais j’ai eu le réflexe de m'autocensurer : "Voyons donc ! Je vais avoir l’air de quoi moi? Un idéaliste, un rêveur, un néohippie ou hippie v2.0…. Je ne veux surtout pas qu’on me catégorise. C’est écrit dans ma bio : LIBRE PENSEUR. Imaginez me lire en écoutant Imagine! "Manque plus que’l patchouli" dirait-on !

Et puis là encore, je me suis dit : “Voyons donc ! On est pas sua bonne track !” Comment se fait-il que je ne veuille pas avoir l’air d’un (1) idéaliste (2) rêveur et (3) hippie v2.0… Pourquoi ? C’est pas un peu ça qu’on cherche comme changement en politique : quelqu’un qui a de grandes idées, qui rêve de projets, qui voit loin, qui fait avancer les choses? (Voir à ce sujet " Faire de la politique autrement… La poule ou l’œuf ? " )

Soudainement, je pense au maire Labeaume. Pour ça, je peux comprendre les gens de “Québec city”. Labeaume correspond à plusieurs critères : il a de grandes idées, il voit loin, il fait avancer les choses… Mais cette idée de céder des droits collectifs au privé… il y a quelque chose qui cloche… Quelque chose qui manque… Il n’est pas hippie ! Je veux dire, s'est éloigné de ses valeurs hippies, celles qui sont maintenant vues d’un mauvais œil : le souci du bien collectif combiné à ... l'amour!… ça y est, je viens d’en faire décrocher plusieurs! Juste de prononcer le mot AMOUR suffit à me catégoriser : ça fait peur ! Je suis maintenant ésotérique, rêveur, idéaliste et hippie v2.0 comme dans : “pelleteux” de nuages, de la gogauche. Pas sérieux comme dans “t’as l’air fou en complet avec ta barbe pis tes tresses”, comme dans “tu verras mon gars, tu vas les perdre tes illusions quand t’arriveras dans le vrai monde”… Le "vrai" monde ?

Le vrai monde.

Finissant mon bac en droit sous peu, je me suis fait dire l’autre jour qu’à 29 ans, j’étais en “retard”. En retard ? :

- Ben oui ! La job, la maison, les REER, la retraite, la vraie vie quoi! Faut être productif dans la vie, sinon on perd.
- On perd ! On perd quoi ?
- Individuellement, tu perds de l’argent : faut les remplir tes REER. Pense à tes vieux jours... Et collectivement, c’est de la compétitivité qu’on perd : il faut se tenir ensemble pour être productifs, attirer les capitaux étrangers…

Se “tenir ensemble” pour attirer les multinationales ? Quel paradoxe ! Les travailleurs exploités des pays en voie de développement ne se tiennent-ils pas justement ensemble pour faire valoir leurs droits, leur bien-être collectif, pour ne plus faire les putes ? ... Et nous ?

Inutile de vous dire… Le clash ! … c’était un boomer, un ex-hippie. Il était passé par là lui, l’idéalisme et la rêverie… ne les pratiquait-il donc plus ? Alors c’est ça le “vrai” monde ? Quel héritage !

Les excès en moins, on peut leur donner ça à nos parents qui l’ont fait, eux, leur trip hippie révolutionnaire : ils étaient idéalistes, rêveurs et… hippies ! Et la Révolution tranquille qui aura été l’“amphithéâtre” d’un Québec idéaliste, où tous les rêves étaient permis, avec ses idées de grandeur – et ses erreurs ! Un Québec qui valorisait l'idéalisme et les projets fous, et surtout qui allait bien au-delà d’un groupuscule révolutionnaire : la majorité des Québécois croyait réellement être collectivement l’artisane d’un Québec meilleur : de tout pour tous! Il y avait cette cohésion sociale, ce souci d’amélioration pour les générations présentes et futures, cet AMOUR assumé du Soi collectif et grandiose, cette fierté d’être Québécois - et cette volonté s’est même jadis propagée à la sphère politique - Quelle histoire ! Je me souviens d’un Québec qui a fait de bien grandes choses… Faut croire que l’idéalisme et la rêverie ont une date de péremption.

Et maintenant, il est pour qui ce "vrai" monde ?

Et si ce “vrai” monde n’était pas le nôtre, un monde parallèle à nos réelles aspirations, une "track" à côté de nous, désincarnée. À côté d’eux était la Coupe Stanley aux yeux des Canucks à 2 minutes de la fin du match #7… 

Et si dans ce “vrai” monde vivait une trop grande partie de nous qui s’est tranquillement habituée à ne plus rêver, par cynisme, déceptions, dégoût, amertume… Ça expliquerait le taux de participation continuellement en baisse aux élections. Ça expliquerait aussi ce dernier rempart qu'est devenu le désir profond, mais d'espoir timide, d'un renouveau politique. Ça expliquerait même pourquoi j’ai peur qu’on m’étiquette de rêveur et d’idéaliste : “Un autre illuminé qui pense pouvoir changer le monde”. Ça c’est rabat-joie !

Alors on dira que les Québécois veulent du changement, mais qu’ils ne savent pas lequel ? En fait, ce qu’ils désirent, même si c’est bien enfoui au fond d’eux même, c’est de l’amour, de la compassion, des rêves et des idéaux. On le veut tous, mais on n’y croit pas : ça fait boboche ! C'est "à côté" de nous. Ou si on y croit, on se cache pour le dire par peur d’être étiqueté : “Un autre idéaliste qui pense pouvoir changer le monde, c’est pas sérieux ça, arrive sur terre !”. Mais oui c’est sérieux ! Regardez le Printemps Arabe, il suffisait qu'ils y croient et qu'ils le disent haut et fort ! Les mentalités doivent changer : déconstruire nos acquis, redéfinir nos assises. Le réel Changement n'arrivera pas sans !

On le sait tous, le système actuel DOIT changer. Je me rappelle encore en économie de secondaire IV (en 1996, ce cher Jean-Berchmans Poulin!), on nous disait déjà que les États-Unis imprimaient des billets de banque quand ils avaient besoin de liquidités et que ce serait à long terme insoutenable! Bien avant mon temps, le Club de Rome avec le Rapport Meadows mettait en garde la société entière contre le mur dans lequel nous avançons à toute vitesse. On l’a tous déjà su à un moment ou un autre… Jusqu’à ce que notre idéalisme ne soit emporté par le “réalisme” de ce “vrai” monde, et qu'on passe en mode "cruise" sur la voie parallèle, à côté de nous... à côté de Soi.

Imagine

Alors, pour le changement de mentalités. Il y a cette chanson qui défie les âges, écrite par un révolutionnaire en croisade pour la paix et l’amour. Permettez-vous d’imaginer lire ce texte en fredonnant son air. Vous passerez pour des idéalistes, des rêveurs et des hippies v2.0. Et puis après! N’est-ce pas ce qu’on veut tous en fait ? Aurons nous à jamais une aversion envers toute manifestation de rêverie, d’idéalisme… et disons-le, de «néohippisme» qu'on reconnaît par sa caractéristique solidaire, communautaire, collectiviste ou non individualiste ? Je me refuse d’y croire malgré tout…

Parce que mes “illusions”, je ne les aie toujours pas perdues…

1 commentaire:

  1. Je vois dans ces propos un écho de la "Critique de la modernité" d'Alain Touraine (1992), ou il constate que nous sommes divisés entre la rationalisation (le discours économique) et la subjectivité (celui des sentiments). Je considère donc que cette division qui est évoqué, n'est pas exclusive au Québec: c'est le lot de toutes les sociétés "modernes" ou en processus de modernisation.
    La solution que propose Alain Touraine à ce problème me semble assez simple; il s'agit d'investir la subjectivité dans dans la transformation sociale. À ce propos, Jacques Parizeau n'a-t-il pas dit que la démocratie consistait plus à faire valoir son point de vue, que s'adapter à un compromis plus ou moins douteux (sic) (j'avais lu la citation sur un cahier "Québec", fait en réponse au cahier "Canada")?
    Aussi, je suis porté à croire, en me souvenant d'avoir vu pleurer Parizeau en entendant le chant de Gilles Vigneault peu avant le référendum, qu'il était bel et bien motivé par ses sentiment. Était-il pour autant strictement émotif? Aucunement. Il avait tout prévu, économiquement et diplomatiquement, pour que la transition vers l'indépendance puisse se faire. Voilà, selon moi, un bon exemple de réconciliation entre la rationalisation et la subjectivité.

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